Au cours d’un moment d’introspection ce matin, mes pensées ont traversé les paysages de notre société mondiale, atteignant des coins proches et lointains. Une citation profonde d’Omar ibn Al-Khattab a résonné dans mon esprit : Depuis quand réduisez-vous les gens en esclavage, alors qu’ils sont nés libres ? Cette citation a déclenché une série de réflexions sur le concept complexe de l’esclavage, ses différentes formes à travers le monde, ses origines et le déni persistant de son existence.
L’esclavage ne se limite pas à la propriété d’une autre personne. Il prend diverses formes telles que le travail forcé, la traite des êtres humains, l’esclavage des enfants et les mariages forcés ou précoces. Il est profondément troublant de constater que des personnes ont été poussées à imposer de tels systèmes d’oppression à d’autres pour obtenir du pouvoir, du contrôle et des gains économiques. Les sociétés ont tiré parti de cette cruauté pour consolider leur domination et leur prospérité, ce qui est un reflet sinistre de notre histoire.
Simultanément, j’ai réfléchi au déni de l’existence de l’esclavage ou de son impact durable. Pourrait-il s’agir d’un mécanisme de défense visant à éviter d’affronter un passé inconfortable ou à préserver certains récits nationaux ? Le raisonnement autour de ce phénomène est complexe et multifacette. Il peut être motivé par le désir de conserver la fierté nationale, d’éviter la culpabilité ou la honte associées aux injustices passées, ou simplement par un manque de compréhension ou de prise de conscience de la gravité des méfaits passés.
L’argument du « présentisme » ressort souvent dans ces conversations, justifiant l’esclavage comme une norme sociétale du passé. Cette ligne de raisonnement suppose qu’il est injuste ou inapproprié de juger les sociétés passées selon les normes contemporaines. Elle soutient que puisque l’esclavage était considéré comme acceptable ou normal pendant certaines périodes historiques, il ne devrait pas être jugé sévèrement selon les normes d’aujourd’hui.
Cependant, cette perspective semble minimiser la brutalité de l’institution de l’esclavage. Elle fournit une distance réconfortante par rapport à la vérité inconfortable, permettant à l’observateur de passer outre l’immense souffrance humaine qu’elle a infligée. Elle contourne la réalité de la douleur physique, psychologique et émotionnelle vécue par des millions d’individus réduits en esclavage. Elle ignore commodément le traumatisme générationnel et les disparités socio-économiques qu’elle a laissés dans son sillage, dont les impacts peuvent encore se faire sentir aujourd’hui.
Même si l’esclavage a été pratiqué dans de nombreuses sociétés tout au long de l’histoire, cela n’enlève rien à sa gravité ni n’excuse son inhumanité. Quelles que soient les normes sociétales de toute époque donnée, le traitement brutal et la déshumanisation des individus inhérents à l’esclavage s’opposent radicalement aux principes universels des droits de l’homme, de la dignité et de la liberté.
De plus, utiliser le présentisme pour rationaliser l’esclavage passé peut risquer de normaliser ou de banaliser les formes modernes d’esclavage et d’exploitation. Il peut créer un voile de complaisance ou d’apathie envers les violations actuelles des droits de l’homme, sous le prétexte qu’elles sont en quelque sorte moins graves ou nuisibles que l’esclavage du passé.
Par conséquent, il est crucial de confronter de front la dure réalité de l’esclavage, sans recourir au relativisme ou à la complaisance. En reconnaissant les chapitres sombres du passé et en comprenant leur impact durable, les sociétés peuvent prendre des décisions plus éclairées pour prévenir de telles injustices à l’avenir. Ce n’est qu’à travers une réflexion honnête et l’acceptation des torts passés que nous pouvons espérer favoriser l’empathie, promouvoir la justice et aspirer à un avenir plus équitable.
Lorsque les explorateurs des nations européennes sont arrivés sur les rivages des nouveaux continents, leur perception des populations indigènes comme « non civilisées » était largement fondée sur leurs propres normes et croyances culturelles. Ils ont vu des sociétés radicalement différentes de la leur, dépourvues des technologies, des institutions et des coutumes qu’ils associaient à la civilisation.
Dans de nombreux cas, ces explorateurs avaient une vision eurocentrique du monde, estimant que la société européenne représentait l’apogée du développement humain. Cette perspective a façonné leur compréhension et leurs interactions avec les peuples indigènes qu’ils ont rencontrés. Souvent, ils n’ont pas su apprécier la complexité et la richesse de ces cultures indigènes, ne voyant que ce qu’ils percevaient comme des déficiences ou de la primitivité.
En outre, le fait de qualifier les populations indigènes de « non civilisées » avait également un but pratique. Elle fournissait une justification morale aux activités coloniales, telles que la saisie des terres et des ressources et l’imposition de cultures et de religions étrangères. En considérant ces sociétés comme inférieures, les explorateurs et les colons se sentaient autorisés à mettre en œuvre leurs objectifs impérialistes, qui incluaient malheureusement diverses formes de soumission et d’exploitation, dont l’esclavage.
Leur perception était donc un mélange de préjugés culturels, d’ethnocentrisme et d’une logique égoïste visant à faciliter les agendas coloniaux.
Le concept d’esclavage est souvent associé à des pratiques historiques, mais il existe des formes contemporaines d’esclavage qui vont au-delà de la définition traditionnelle. Les situations auxquelles sont confrontés les travailleurs étrangers dans le golfe Persique, les travailleurs sans papiers en Libye ou les femmes de ménage au Liban illustrent ces formes modernes de servitude.
Le système de la Kafala (en arabe « PARRAINAGE”), qui prévaut dans de nombreux pays du Moyen-Orient, est un exemple de ces formes contemporaines de servitude. Dans le cadre de ce système, les travailleurs migrants sont parrainés par des Kafeels (employeurs) qui contrôlent leur visa et leur statut juridique. Cet arrangement entraîne souvent une dynamique de pouvoir disproportionnée, laissant les travailleurs vulnérables à l’exploitation et aux abus. Le système s’est enraciné dans les sociétés, exploitant les vulnérabilités et perpétuant les inégalités.
L’analyse des similitudes entre le système de la Kafala et le colonialisme fait ressortir plusieurs points essentiels. Les deux systèmes appliquent une structure de pouvoir hiérarchique dans laquelle un groupe exerce son autorité et son contrôle sur un autre. Dans le colonialisme, ce sont les colonisateurs qui dominent les populations colonisées. Dans le système de la Kafala, les Kafeels (parrains) exercent un contrôle disproportionné sur les travailleurs migrants.
Les deux systèmes sont profondément ancrés dans l’exploitation économique. Les puissances coloniales ont exploité les ressources naturelles et la main-d’œuvre des pays colonisés pour leur propre bénéfice. De même, le système de la Kafala aboutit souvent à l’exploitation de la main-d’œuvre migrante. Les travailleurs sont souvent soumis à des salaires bas, à de longues heures de travail et à de mauvaises conditions de vie, tandis que leurs employeurs récoltent les bénéfices économiques de leur travail.
Les deux systèmes nient les droits de l’homme et les libertés fondamentales du groupe assujetti. Sous le régime colonial, les populations indigènes ont souvent perdu leurs terres, ont été forcées d’adopter la culture et la religion du colonisateur et ont été soumises à des traitements brutaux. Dans le cadre du système de la Kafala, les travailleurs migrants sont souvent privés de leurs droits, tels que le droit de changer d’employeur, le droit de quitter le pays sans l’autorisation du sponsor, et sont parfois même soumis à des abus physiques et émotionnels.
Dans les deux cas, l’existence de ces systèmes est justifiée. Les puissances coloniales ont souvent affirmé qu’elles « civilisaient » les populations indigènes, ce qui a servi à légitimer leur domination. De la même manière, les partisans du système de la Kafala affirment qu’il est nécessaire pour réguler le marché du travail et protéger la sécurité nationale.
Malgré sa présence inquiétante, la reconnaissance et l’acceptation de ce problème restent un défi. Nombreux sont ceux qui choisissent de nier son existence ou de minimiser sa prévalence. Pourtant, des discussions ouvertes et informées sur cette forme d’esclavage moderne constituent un pas en avant vers la dénonciation de ces injustices. Cela nous incite également à nous interroger sur le rôle que nous jouons dans ces systèmes et nous encourage à œuvrer en faveur de structures sociétales qui promeuvent l’égalité et la justice.
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